« Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière »
Michel Audiard
Le directeur de l'Escale du Livre à Bordeaux, Pierre Mazet, m'a proposé l'année dernière de m'attaquer à une lecture de L'Infinie Comédie, à l'occasion de la sortie de sa traduction française aux éditions de l’Olivier.
J’avais 46 ans, comme David Foster Wallace à sa mort, et je savais qu’il avait réussi à capter ce que nous étions nombreux à avoir ressenti sans être parvenus à le raconter. Mais comment traduire au théâtre un texte de 1486 pages ?
Excitation et perplexité se mêlèrent face à la densité de l’oeuvre, qui n'était pas sans me rappeler le monologue de Molly Bloom du dernier chapitre d'Ulysse de Joyce (créé avec Céline Sallette en 2013 à La Coursive de La Rochelle).
Je me suis présenté sur scène avec mes compagnons de route : la comédienne Audrey Mallada et le multi-instrumentiste Joseph Doherty.
Ils s’exprimaient comme les facettes d’un personnage que j’incarnais.
Fêlé, accro, désaxé. Trop lucide.
Avec cette lecture je suis resté sur ma faim, et l’idée a germé d’aller plus loin en montant un spectacle autour de ce texte encore méconnu en France.
Je cherche à créer un univers où se rencontreraient le texte et le spectateur.
J'ai donc choisi de traiter trois thèmes transversaux :
« J’ai pas de télé, non,
j’ai pas de télé parce que si j’en avais une
je la regarderais constamment
enfin non,
je sais même pas si je la regarderais mais elle serait allumée.
Ce serait ma version d’un feu de cheminée. »
Nous vivons dans un monde où nous sommes en permanence « divertis ». Peut-être parce qu’on refuse l’ennui. Je vois un homme bloqué devant sa télé. Hypnotisé par un rond-point. Câblé à ces petites images qu’il ne regarde même pas vraiment. La télé est de dos, les programmes qui y passent ne comptant pas. On aurait d’ailleurs pu la remplacer par un ordinateur. Notre homme zappe pour combler le vide. Il est sous perfusion. Il meuble pour oublier de penser. Metro Boulot Dodo. Impossibilité de se concentrer.
« Irony is e song of e bird who has come love its cage »
Nous sommes dans une double prison.
Celle de notre prisme, qui nous empêche de nous projeter ailleurs qu’en nous même. Solipsisme. Chacun est l’auteur de son propre monde, et nous sommes prisonniers de cet égocentrisme. Celle aussi de la société de consommation, qui nous conforte dans notre viscosité. C’est une prison qui n’a pas besoin de portes...
On ne peut pas aller dehors ? Alors plongeons, dedans. Fissurons la matrice. La drogue est une fuite vers l’intérieur.
Sauf qu’en essayant de t’échapper tu deviens dépendant et t’enfermes un peu plus encore. Tu t’installes dans le piège. Tu deviens otage de ta propre volonté - ou absence de volonté. C’est le poison qui se déguise en antidote. …
Au petit matin l’alcoolique est persuadé que pour aller mieux il faut qu’il boive.
L’un des chapitres fondamentaux de l’Infinie Comédie est à mes yeux le monologue où le père de J.O. Incandenza transmet à son fils sa vision du succès, tout en se saoûlant.
Je crois posséder certaines clefs pour accéder à la signification de ce passage...
Laurent Laffargue, Juin 2017
Jester
D’après l’Infinie Comédie de David Foster Wallace
Mise en scène Laurent LaffargueAvec
Orgon : Antoine Basler et Déborah Joslin
Assistant à la mise en scène Frédéric KristianssonLumière et vidéo Alain UnternehrRégie son Raphaël GirardotRégie générale Nicolas BrunMaquillage Muriel LericheCrédit photo Pierre Planchenault–Coréalisation : Glob ThéâtreProduction déléguée : Compagnie du Soleil BleuSoutien : Lime Light, Escale du livre, Cours Florent BordeauxDiffusion :Remerciements :
Compagnie du Soleil Bleu | 26 cours du Chapeau Rouge | 33000 BORDEAUX |
| FRANCE | Tél.: +33 (0) 5 56 44 24 90 | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. |
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